Barbara Houbre : Maître de conférences en Psychologie Clinique et Psychologie de la Santé, Psychologue et Psychanalyste. Elle intervient ici au titre de citoyenne. Elle a fait partie durant 10 années d’une équipe de recherche spécialisée dans le domaine de la Santé Publique. Une équipe composée de médecins, statisticiens, épidémiologistes et psychologues de la santé. Aujourd’hui, elle exerce à l’université en tant qu’enseignant-chercheur avec une approche plus clinique d’inspiration psychanalytique. « Soumission au discours : principes et ressorts » ou « Moi la vérité, je parle » Le titre fait en partie référence à un article écrit par un psychanalyste, J. Lacan. Il énonce le fait que « la vérité » est d’abord parlante. Mais quelles garanties offre la parole ? La vérité doit être parlante : « est ce juste ? ». Pour rappel, la science n’a pas de prétention à dire la vérité. L’assertion incantatoire a pour effet de couper la parole de l’autre. Il doit y avoir une mise en débat car le doute est à la base de toutes les sciences. L’épistémologie est la science des sciences, c’est une discipline de la philosophie. Elle étudie les courants de pensée dans la science. Elle n’est malheureusement plus enseignée à l’université ou de façon très marginale. Il faut être inscrit en philosophie pour en avoir une connaissance approfondie. A. De l’épistémologie… On trouve dans l’Histoire, deux courants différents : Rationalisme et Empirisme. Pour le rationalisme, nos 5 sens nous trompent sur ce que nous pensons être la réalité. L’allégorie de la caverne (Socrate) en est l’illustration : ce qui est perçu dans le fond de la grotte ne peut pas correspondre à la réalité et il faut donc sortir de cette caverne pour accéder à la réalité (comme le font les philosophes). Matrix, film culte, en est une très belle l’illustration. Pour Platon,les mathématiques sont la voie qui nous permet de dépasser ce que l’on perçoit de la réalité. Pour l’empirisme, nous avons accès à la réalité de manière objective et mesurable. L’empirisme, représenté par Aristote, remet à l’honneur les sciences de la nature. L’observation est à nouveau possible. L’astronomie sera la discipline phare de l’empirisme. Ces deux courants transcendent les recherches dans chaque discipline. Il n’y pas UNE science et UNE vérité. Il y a DES sciences qui tentent d’approcher LES vérités. Galilée a donné naissance aux sciences dites « modernes » et crée le premier invariant scientifique d’expression mathématique : c’est une « mathématisation » de la réalité. La réalité réduite à un chiffrage. Les observations confirment cet invariant. Rappelons que Ptolémée avant lui, avait énoncé le géocentrisme (à l’opposé de l’héliocentrisme). C’est un modèle erroné dont les prédictions étaient justes. Le modèle de Ptolémée a tenu 15 siècles. Cette indication doit pousser à l’humilité des résultats ou de ce que l’on présente comme une vérité. Kant, rationaliste, exprime que chacun a sa représentation de la réalité. Il y a toujours un écart entre la réalité et sa représentation. B. Des statistiques… Winston Churchill disait « Ce que les statistiques montrent est intéressant mais comme les maillots de bain ce qu’elles cachent l’est encore plus » Joan Ioannidis en 2015 a écrit un article « Pourquoi la plupart des résultats statistiques sont faux », il alerte quant aux conflits d’intérêts et aux enjeux financiers dans la recherche bioméciale. C’est pour lui un des 6 facteurs favorables à des publications présentant de faux résultats. Si l’on considère le taux de létalité (le taux de mortalité des personnes infectées) par classe d’âge ainsi que les différents facteurs de risque, nous pouvons conclure que nous sommes en présence d’une syndémieet non d’une pandémie. La syndémie > lorsque l’expression d’une maladie au sein d’une population est conditionnée par des facteurs biologiques et/ou environnementaux qui aggravent l’expression d’une maladie. Dans le cas du covid, ils sont à présent bien connus : l’âge, le surpoids voire l’obésité, et les comorbidités. Dr Alice Desbioles (médecin de santé publique) : audition le 8 février 2022 auprès de la commission des affaires sociales dans l’évaluation dans le cadre de l’adéquation du passe vaccinal à l’évolution de l’épidémie de covid-19. Ses conclusions sont simples : l’instauration du passe sanitaire, le confinement et la fermeture des écoles sont des mesures qui ne sont pas fondées sur les preuves. En revanche, en démographie le virus en 2020 a eu ce qui est appelé un effet « moisson » (augmentation de la mortalité chez les personnes âgées et fragiles à l’arrivée d’une saison grippale plus forte suite à plusieurs saisons consécutives de grippe avec peu de décès.). Thomas Starck & Maxime Langevin, ingénieurs polytechniciens, ont réalisé une évaluation rétrospective de la gestion politique de la crise et des modélisations utilisées pour prendre des décisions politiques (résultats accessibles sur internet : https://evaluation-modelisation-covid.github.io/france/demarche). Ils ont éprouvé 11 modélisations (de l’Imperial College, Institut Pasteur, Inserm) et les ont comparées avec ce qui est advenu dans la réalité. Dans 9 cas sur 11, la réalité est dehors des valeurs proposées. On peut constater que les écarts entre les maxima et les minima sont tellement importants que les modélisations ne peuvent orienter les décisions politiques alors que les décideurs font bien évidemment le choix du scénario le plus dramatique. Il faut rappeler que la modélisation est ce qu’il y a de plus faible en niveau de preuve. Cette méthode n’est pas reconnue par la Haute Autorité de Santé. Leur conclusion :surestimation des évaluations concernant les admissions hebdomadaires à l’hôpital, surestimation du taux d’occupation des lits en hospitalisation conventionnelle, en soins critiques, etc. Sans compter la désinformation dans la presse. Un exemple: lorsque Jérôme Marty indique à Noël 2021 800 hospitalisations d’enfants en 6 semaines, il omet de dire que sur le même laps de temps, 729 sont rentrés chez eux. F. Alla, professeur en santé publique, a démissionné du Haut Conseil de la Santé Publique, une démission effective depuis le 5 janvier 2022. Il s’en explique dans le Quotidien du Médecin : lors de la crise sanitaire les agences dévolues à la santé (HCSP, Haute Autorité de Santé ou Santé Publique France) n’ont pas joué leur rôle d’expertise mais venaient entériner les décisions déjà prises en amont. « Durant la crise sanitaire, le HCSP a émis de nombreux avis techniques mais aucun avis stratégique. Il a pourtant, normalement, une mission stratégique mais c’est le Conseil scientifique qui a fixé les axes stratégiques importants durant la crise : confinement, couvre-feu, stratégie de vaccination, etc. Le HCSP se contente d’émettre des avis techniques de mise en application. On assiste à un dévoiement complet de l’expertise. » Nous assistons donc à un transfert de compétences où tout le pouvoir d’expertise est attribué au conseil scientifique. Conseil scientifique dont il faut rappeler que sa constitution s’est faite par cooptation. Ce qui implique, à priori, qu’on n’y invite que des gens avec lesquels nous sommes plutôt d’accord. Est-ce qu’un débat d’idée, est-ce qu’une dispute, au sens positif du terme a pu se réaliser dans ce lieu ? C. Des évènements indésirables : La pharmacovigilance est passive, seuls 10% des cas seraient remontés d’après une évaluation du VAERS. La méthode d’imputabilité (lien de cause à effet) est la méthode Begaud en France. Elle implique que l’évènement indésirabledoit être spontanément réversible à l’arrêt du médicament (dechallenge-rechallenge). Dans l’exemple d’un médicament, on l’arrête et l’on voit l’effet indésirable disparaitre, puis on le reprend et l’on constate de nouveau la survenue du même effet indésirable. Evidemment cette méthode ne permet pas d’imputer un événement indésirable définitif. En cas de décès également, l’imputabilité n’est pas possible. A moins que le mort revienne à la vie, reprenne le vaccin pour décéder à nouveau. Soumission au discours : Il y a une logique mortifère de déshumanisation. Pour tendre vers la vérité, la science procède à la deconstruction de la réalité. Pour déconstruire et reconstruire, il faut du débat. Dans cette crise sanitaire, on a observé un refus de débat et un rejet de la parole. Il y a aussi un refus de la fin, de la mort. Dans une recherche de l’éternité : « pour ne pas mourir on nous empêche de vivre ». Notre société va devoir réapprendre à vivre avec la mort. Vitre comporte forcément un risque. Aujourd’hui, avec le chantage à la vaccination on oppose, la liberté et la vie (Stiegler et Alla). Seul le consensus résiste au temps, il y a nécessité de temporalité dans les sciences. Il y a le temps pour la découverte et le temps de la justification. Supprimer ces deux temps revient à considérer qu’il n’y a pas d’histoire. Le gouvernement a ainsi opposer bien (se faire vacciner) et le mal (ne pas se faire vacciner) en justifiant la violence infligée et les attitudes criminelles à l’endroit de ceux qui ne feraient pas le bien. La déontologie Kantienne incite à penser le bien versus le mal dans chacune de nos actions en dehors de leurs conséquences. Aujourd’hui le bien/le mal n’est déterminé que par l’application des procédures et le respect des règles. Voir « La banalité du mal » Hannah Arendt. Barbara Houbre conseille la lecture de « Gorgias » de Platon. Nous connaissons le combat quePlaton et Aristote ont mené en leur temps face aux rhéteurs et sophistes qui usaient d’un univers qui ne serait qu’illusion pour mettre en avant des raisonnements qui ne visent qu’à persuader l’auditoire. Les sophistes ne s’encombrent ni d’éthique, ni de justice, ni de vérité. La fonction politique connait en temps normal 4 pouvoirs : Légistlatif - Exécutif - Médiatique - Judiciaire. Il n’y a plus aujourd’hui de contre-pouvoir. Difficile dans ces conditions de parler de démocratie. La médecine qui nous a été proposée lors de cette crise sanitaire, à travers une vaccination aveugle pour tous, est une médecine sans clinique, sans patient. Une médecine qui s’occupe d’un organisme, sans âge, sans particularité, sans co-morbidité, sans poids, sans histoire, sans pathologie associée, sans allergie. Une médecine qui n’est d’ailleurs pas nouvelle. Skrabanek*, professeur de médecine et membre de l’équipe éditoriale du Lancet, a dénoncé dès 1997 le « totalitarisme rampant » du « culte d’une super-santé » (le biostylisme) avec le danger d’une normalisation collective des comportements érigée en politique d’état. Hannah Arendt a souligné combien l’insertion de l’humain dans le « métabolisme de la nature » est à l’origine de l’aliénation du travailleur dans les sociétés modernes. En effet, l’humain, parce que réduit à son métabolisme peut être suspendu. Le citoyen, parce que réduit à son métabolisme, peut être interdit de partager la vie en société, d’entrer dans un restaurant. * Skrabanek, P. & Mc Cormick, J. (1989). Idées folles, idées fausses en médecine. Paris : Odile Jacob De l’idéalisation de l’Amour en psychanalyse qui aliène et entraine la perte. La moralisation du discours d’Emmanuel Macron en juillet avec l’obligation d’injection a transformé un geste médical en geste politique. La médecine moderne doit être suggestive et non pas autoritaire. L’épistémologie devrait être enseignée très tôt dans le cursus universitaire. Et la philosophie plus tôt chez l’enfant. C’est une discipline qui permet de mettre en perspective les discours. Q° : quid de la psychose sociale collective ? Qu’aurions nous pu faire de plus pour faire comprendre , entendre ? B.H. : On ne peut pas à proprement parler de psychose, qui est une structure, un mode de fonctionnement. En psychologie, le réel n’est pas la réalité et renvoie à tout ce qui ne peut pas être représenté. Le réel est l’impensable, l’innommable est en dehors du langage. En psychanalyse, ce sont la sexualité et la mort. Le réel a un effet de fascination, il capte le regard. Pour ne plus être fasciné par le réel que les médias a présenté sous nos yeux, il convient d’éteindre sa télé, de parler et de favoriser le débat scientifique. Q° : les sous-citoyens. Est évoqué le discours de Vera Sharav, rescapée d’Auschwitz qui alerte sur les ressemblances du présent avec la shoah. Elle parle aussi de la masse silencieuse qui se rend complice des agissements criminels et de la souffrance. Que pensent les étudiants de tout cela ? Ne sont il pas trop enfermés par internet ? B.H. : Il y a eu beaucoup de souffrances chez les étudiants pendant la crise. L’Université aujourd’hui mène à la professionnalisation, un formatage pragmatique alors que l’objectif premier de l’Université devrait être développement de l’esprit critique. Les étudiants ont une culture très large grâce à internet mais manque de débat critique. Peu d’entre eux savent en arrivant à l’université rédiger une dissertation et donc discuter des idées : thèse, anti-thèse, synthèse. C’est pourtant la base ! La fonction d’un intellectuel est de faire entendre aux politiques les récriminations de la Société, des citoyens. Ils amènent à écouter la parole des gens. Aujourd’hui la majorité des « intellectuels », si on peut encore lesappeler comme ça, les infantilise et la parole est confisquée. G.B. : les étudiants oublient l’humain - ils sont techniques (IRM, prises de sang…) M.W. : Pour exemple et avec de chaleureuses pensées pour Jean-Dominique Michel qui a été remercié de tous ses potes universitaires. Dans plusieurs pays, la morale a été utilisée pour culpabiliser les enfants et les jeunes au mépris de l’intérêt supérieur de l’enfant (Conseil de l’Europe). On pourra parler de psycho-trauma dans 10/15 ans M.W. : Pour exemple et avec de chaleureuses pensées pour Jean-Dominique Michel qui a été remercié de tous ses potes universitaires. Dans plusieurs pays, la morale a été utilisée pour culpabiliser les enfants et les jeunes au mépris de l’intérêt supérieur de l’enfant (Conseil de l’Europe). On pourra parler de psycho-trauma dans 10/15 ans Qu’aurions nous pu faire de plus pour faire comprendre , entendre ? Ne pas désespérer, continuer à expliquer, une petite lueur peut intervenir à tout moment.