Les critiques en ligne pourront-elles être punies d'amendes avec l'article 5 bis de la loi de « sécurisation de l’espace numérique » ?
11 avril 2024
Juridique
Les critiques en ligne pourront-elles être punies d'amendes avec l'article 5 bis de la loi de « sécurisation de l’espace numérique » ?
Très bientôt, les critiques frontales (ou l'emploi de l'humour noir) sur les réseaux sociaux y compris sur un groupe Whatsapp [1] seront-elles bientôt punies « d' outrage en ligne » si jugées « offensantes » comme le prévoit l'article 5 bis de la nouvelle loi de « sécurisation de l’espace numérique » ? Et cette disposition de la loi dite « SREN » pour « Sécuriser et réguler l’espace numérique » s'appliquera sans même l'intervention d'un juge par simple décision de police ?
La défenseuse des droits avait déjà mis en garde les autorités contre des « risques d'arbitraire » ou encore contre le « risque de développer des pratiques discriminatoires » concernant les amendes forfaitaires délictuelles (AFD) [1bis] et cela semble encore plus flagrant concernant l'article 5 bis. En effet, des notions floues et sans définition juridique précise sont proposées : « une situation intimidante, hostile ou offensante » [2].
Selon la députée de Seine-Saint-Denis Sourmya Bourouaha, la Ligue des Droits de l'Homme, le Syndicat de la magistrature et Médecins du Monde, demandent la suppression d'une peine sans recours au juge « inéquitable et arbitraire » [3].
Toujours à propos de l'article 5 bis, le Conseil national des barreaux (CNB) représentant les avocats de France, estime que : « La procédure de l’amende forfaitaire délictuelle... apparaît particulièrement inadaptée pour poursuivre des abus de la liberté d’expression » et analyse que : « cette nouvelle infraction se confronte directement à la loi sur la protection de la presse » [4].
« Alors que la presse papier ou la télévision sont souvent des déversoirs de haine », dixit l'association « La quadrature du Net », pourquoi la législation serait-elle plus sévère pour cadrer l'expression sur Internet que dans les médias traditionnels ? [5]
Ainsi, le journaliste Serge Faubert s'interroge si le fait d'affubler le ministre de l'économie du qualificatif de « menteur » sur sa chaîne YouTube serait puni demain d'une amende forfaitaire de 300 euros, voire même de plusieurs amendes pour une même émission [3] ? Même si en l'occurrence, dans cette affaire de dissimulation par Bruno Lemaire du déficit public 2023, les preuves disponibles [6] auraient écarté tout risque de condamnation en cas de diffusion du même sujet sur un média traditionnel (toujours selon Serge Faubert). L'article 5 bis de la loi de « sécurisation de l’espace numérique » a également réussi le tour de force d'être critiquée à la fois par Médiapart [7], BFM [1] et Valeurs actuelles [9] .
Après le vote de l'assemblée nationale le 10 avril 2024 validant ce texte, un dernier espoir de retirer l'article 5 de la loi SREN résiderait en une réaction du Conseil constitutionnel, devenu néanmoins peu actif en terme de défense des libertés.