Pascal Corradini, enseignant depuis 30 ans, que nous avons interviewé à plusieurs reprises (voir l’école des possibles) a volontiers répondu à notre demande et nous offre ici quelques pistes de réflexions :
La quasi-totalité de l’humanité fonctionne aujourd’hui suivant le modèle occidental, basé sur la compétition. Notre économie tout particulièrement, est caractérisée par une concurrence permanente et de plus en plus agressive. Aussi, parle-t-on de guerre économique pour laquelle c’est « la loi du plus fort » qui s’applique !
Toutefois, la coopération est également présente dans nos sociétés. Le fonctionnement en associations, très répandu en France, en est une illustration, tout comme la création de la sécurité sociale…
Chez les animaux, bien que la coopération soit présente, c’est aussi « la loi du plus fort » qui prédomine, comme par exemple pour les cerfs qui se battent pour les femelles.
Animaux-humains que nous sommes, serions-nous destinés à nous faire perpétuellement la guerre, sous des formes diverses et variées ?
Pourtant, durant son enfance, l’être humain est fondamentalement coopératif. Dans de nombreuses situations, j’ai pu observer, que suite à la peur instinctive que peut avoir l’enfant (de perdre son jouet par exemple, et le mettant en compétition avec d’autres), grâce à un accompagnement adapté de l’adulte, cette peur peut assez rapidement disparaître et laisser place à un comportement pacifique, puis coopératif. Un comportement de relation chaleureuse avec l’autre, une dimension féminine de dialogue avec l’autre, d’accueil dans sa différence, avec une place pour l’expression de ses sentiments, une place pour ce qui est sensible en nous...
La compétition comme unique façon de déployer ses talents ? Ce sont les enfants qui nous démontrent le contraire. Ils sont caractérisés par des élans d'apprentissage qui sont observables lorsque les enfants se sentent en sécurité, au sein d'une famille, ou/et équipe éducative de soutien. En somme, lorsque un climat de coopération règne dans un groupe, ces élans d'apprentissage, qui sont des élans de vie, se transforment en élans créatifs, donnant envie à l'enfant, puis à l'adulte qu’il deviendra, de faire toute chose en vue de son épanouissement, de son déploiement...

J’ai découvert le livre « Chasseur cueilleur parent » qui montre bien cela, au travers de l’application par Michaeleen Doucleff (maman de Rosy, 3 ans) des méthodes éducatives familiales dans trois des plus vénérables communautés du monde : les Mayas au Mexique, les Inuits au-dessus du cercle arctique et les Hadzas en Tanzanie.
La coopération serait-elle donc une faculté naturelle que nous avons en nous, enfant, puis que nous perdons adulte ?
Il me semble plutôt que cela dépende de la société dans laquelle l’être humain évolue. En effet, durant une première partie de sa vie, l’être humain est conditionné par le corps social de sa société, il est en quelque sorte « engrammé ».
Ainsi, nous pouvons observer que des peuples Mayas, Inuits, Hadzas et bien d’autres comme les Kogis, que vous pourrez découvrir ci-dessous, cultivent et vivent la coopération au sein de leur communauté, et avec les communautés voisines. Cette valeur fondamentale est par conséquent à la base de l’éducation de leurs enfants. La boucle est bouclée, de fait, cela favorisera la perpétuation de la coopération au sein de leur société.
Dans un groupe humain où la coopération est cultivée, chaque membre du groupe aspire à déployer ses talents en vue de contribuer au groupe, non pas pour devenir le vainqueur, mais plutôt pour nourrir le besoin essentiel de contribution propre à l'être humain, ainsi que le besoin de respecter son prochain, et plus largement de respecter le vivant, la nature... et avec des talents de chacun, chacune qui sont complémentaires, comme dans la nature...
Il convient de considérer les difficultés/dysfonctionnements que nos sociétés ont rencontrées au cours de l'histoire, en raison de la compétition (guerres notamment), ce qu'elles ont causées comme dommages (faim dans le monde, climatiques, mal-être, stress, maladies...), et ce que cela augure, à savoir « les murs » que nous risquons forts de rencontrer à court et moyen terme...
La compétition est comme le ver dans le fruit, et l'idée n'est pas de tuer le ver dans le fruit, mais plutôt de l'éloigner pour favoriser toute l'expression de la coopération. La perpétuation de la compétition au sein de nos sociétés n’est pas inéluctable. Avec la conscience montante au sein de la population, que la compétition pourrait occasionner la disparition de l’espèce humaine, espérons que des changements significatifs adviendront !
Pour cela, les lois de la nature, les lois de préservation de la vie que l’homme se doit de respecter, devront remplacer les « lois du plus fort », de compétition économique, faites par l’homme pour l’homme. Pour opérer ce changement, sans doute pourrions-nous nous inspirer de ces vénérables communautés du monde, au sein desquelles la dimension féminine est très présente, et expérimenter des solutions en faisant preuve d’humilité, de sensibilité, de créativité... à l'image des connaissances ancestrales des Kogis, dont je suis passionné.
Découvrir les Kogis

L’association Tchendukua accompagne la restitution des terres ancestrales au profit des peuples de la Sierra Nevada de Santa Marta dans le nord de la Colombie, particulièrement les Kogis et les Wiwas. Vous pourrez également y découvrir ces peuples.

Ce film de 52 minutes permet d’appréhender la culture de ce peuple, au travers de ses efforts, retracés dans ce film pour retrouver sa mémoire perdue...

Vidéo de 2 min 20 dans laquelle Éric Julien présente son dernier livre :
Kogis, le chemin des pierres qui parlent.

Entretien de 1 h 20 avec Éric Julien : Peuples premiers, quels messages pour nous ?


Livre traduit et préfacé par Ariane Bilheran