4 septembre 2022
Les chroniques du Ratiocineur

Les chroniques linguistiques dominicales du Ratiocineur, épisode 6

Musique, ou musique classique ?

Contexte

En 2018, la pianiste Claire-Marie Le Guay a publié un livre intitulé La vie est plus belle en musique (Flammarion, 2018). Il est intéressant d’un point de vue sémantique d’analyser la couverture de ce livre, que l’on peut aller voir chez l’éditeur en cliquant sur le lien suivant.

D’un côté, la pianiste nous parle de musique ; de l’autre, un bandeau commercial, vraisemblablement ajouté par l’éditeur, nous parle de musique classique : est-ce vraiment la même chose ?

Analyse

Si on voulait voir et entendre jouer Claire-Marie Le Guay un soir de Victoires, ce serait une mauvaise idée de regarder les Victoires de la Musique. En fait, ce soir-là, on entend plutôt des chanteuses qui, lorsqu’on leur retire le micro, continuent à chanter, qu’il ne faut pas confondre avec des... cantatrices.

Claire-Marie Le Guay aurait plutôt tendance à officier dans ce qu’il est convenu d’appeler les Victoires de la Musique classique et du Jazz.

C’est que, progressivement, on s’est mis, improprement, ou par laxisme, à appeler « musique » ce qui, au milieu des années 80, s’appelait encore « variété ». En témoigneraient des archives de l’Institut national de l’audiovisuel relatives à l'ancienne émission Croque-vacances.

Par ricochet, ce qui aurait dû continuer à s’appeler « musique », a été contraint de s’appeler « musique classique ». Or la musique classique n’est qu’une toute petite partie du répertoire instrumental et/ou vocal qui relève de la terminologie « musique ». Le classicisme est une période bien déterminée de l’histoire de la musique qui « fait suite au rococo et précède le romantisme, auquel il est souvent opposé. Les dates marquant, de façon conventionnelle, le début et la fin du classicisme sont 1760 et 1830 ; les personnalités dominantes du classicisme sont Haydn, Mozart, et Beethoven (...) » (Encyclopédie de la
Musique classique
, La Pochothèque, 1985, article « classicisme », page 162).

Or, si l’on ouvre le livre de Claire-Marie Le Guay, on s’aperçoit qu’il évoque effectivement en divers endroits les compositeurs Haydn (Suite pour piano numéro 60, 1794-1975, page 41), Mozart (Sonate pour piano numéro 11 en la majeur, 1778, page 21), et Beethoven (Concerto pour piano numéro 4, 1806, page 47). Mais il aborde aussi des œuvres de :
    — Bach (Suite pour Violoncelle numéro 1 en sol majeur, 1720, page 39), qui relève de la période baroque ;
    — Wagner (Lohengrin, 1850, page 8) qui relève de la période romantique ;
    — Stravinski (Trois mouvements de Petrouchka, 1910) qui relève de la période contemporaine.

S’il existe donc une musique classique, une musique baroque, une musique romantique, une musique contemporaine, etc., il est raisonnable de penser que le dénominateur de tout cela s’appelle : « musique », et Claire-Marie Le Guay ne s’y est pas trompée en titrant son livre La vie est belle en musiqueSon livre est en effet un livre qui fait aimer la musique, et non uniquement la musique classique.

Le fait qu’il faille apposer un bandeau « Le livre qui vous fera aimer la musique classique » pour faire vendre un livre qui parle de musique est symptomatique de l’inculture musicale de nos sociétés modernes et de l’inversion des valeurs qui y règne. Il y a des hiérarchies dans le Beau : une chanson de Patrick Bruel, ce n’est pas la 40e symphonie de Mozart !

Conclusion

Puisse cette chronique, un peu différente des précédentes, vous avoir définitivement permis de faire la différence entre :
    — la musique classique ;
    — la musique ; 
    — la variété.


Ratiocineur

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