Avez-vous payé vos « cotisations bancaires » ?
par Le Ratiocineur
Le site Internet de la Caisse d’Épargne Grand Est Europe a récemment fait peau neuve, pour « mieux [me] servir », selon la formule consacrée (quand ce n'est pas pour me mieux servir, c'est « pour [ma] sécurité », car c'est l'argument définitif qui nous toujours présenté pour nous faire accepter n'importe quelle billevesée.
Je m’attendais à ce que, dans cette nouvelle livraison, mon prénom soit enfin écrit correctement. C’est un prénom composé qui se compose de deux prénoms (qui méritent chacun leur majuscule en tant que noms propres) séparés par un trait d’union. Supposons, au hasard, que ce soit Jean-Michel (un prénom qui parlera peut-être à certains...). La Caisse d’Épargne écrit mon prénom Jean-michel suivi de mon nom, ce qui a le don de m’énerver, en bon Ratiocineur que je suis. Donc, pas d’amélioration de ce côté-là.
En fait, au niveau de la charte graphique, le site Internet de la CÉGEE (et non pas CEGEE, s’il vous plaît...) ressemble maintenant à celui de la Société Générale, comme s’ils avaient fait appel au même prestataire pour le développer, ce qui pose deux problèmes :
— les dernières opérations affichées ne sont pas les dernières à être « passées » ;
— les dépenses sont pré-orientées dans des catégories un peu arbitraires,sur lesquels le client n’a pas de prise.
Venons-en maintenant aux fameuses « cotisations bancaires ». Dans l’ancienne version du site, j’avais un débit mensuel de 15 euros avec le libellé « Offre Confort ». Maintenant, ce débit est remplacé un débit du même montant, mais avec le libellé « COTISATIONS BANCAIRES ». Et là, je frémis...
Je frémis d’abord sur la forme, parce que je constate qu’une banque appartenant à un groupe du CAC 40, ne semble pas avoir les moyens d’offrir à ses collaborateurs, ou ses prestataires informatiques des cours d’orthographe et de typographie qui leur permettraient de savoir qu’en français, en général, une majuscule se rencontre :
— en début de phrase ou de groupe nominal ;
— en début de mot, pour les noms propres.
Il aurait fallu écrire, en l’espèce (si j’ose dire, puisqu’on parle ici de monnaie... scripturale...) : « Cotisations bancaires », et non « COTISATIONS BANCAIRES ». En typographie, notamment sur les réseaux sociaux, mettre tout un groupe de mots en majuscules est équivalent à crier, ou à mettre en relief. Mais si on fait ça à chaque ligne, pour toutes les opérations d’un extrait de compte, ce n’est plus une mise en relief, puisque lorsque tout est en relief, plus rien n’est en relief !
Je frémis ensuite sur le fond. En effet, derrière le mot « cotisation », il y a une connotation de générosité et de mise en commun. Lorsque vous « cotisez pour la retraite », ce n’est bien entendu pas votre retraite que vous financez, mais les pensions des retraités du moment. C’est le principe de la retraite par répartition. Voilà pourquoi il faut parler de « cotisations sociales » dont la collectivité bénéficie, et non de « charges sociales ». Une dépense sociale, ce n’est pas du même ordre qu’une facture de téléphone, une facture d’électricité, ou un abonnement à Internet.
Mais ce que la banque ose nommer « cotisations bancaires », c’est simplement le règlement de frais mensuels dont le montant est établi par un contrat passé avec la banque. Entre ma banque et moi, il n’est question ni de générosité, ni de philanthropie, ni du sens de l’intérêt collectif (celui de tous les Français, à ne pas confondre avec l’intérêt général). Dans le cas contraire, ça se saurait. Je parlerais donc plutôt de « frais bancaires ». Mais qui se soucie d’écrire correctement le Français aujourd’hui, à part votre Ratiocineur préféré (et ses lecteurs -- quel que soit leur sexe : pas d'écriture inclusive entre nous, s'il vous plaît ! -- bien sûr) ?
Peut-être attendiez-vous cette deuxième chronique avec impatience ? Attention : les chroniques linguistiques du Ratiocineur sont à consommer avec modération, pour éviter toute forme d'addiction...