Nous nous sommes rendus à la manifestation organisée par Rodolphe Deteve devant le CHR d’Amiens en mémoire pour sa mère, Liliane, décédée il y plus de 4 ans et qui aurait célébré ses 82 ans ce 23 février 2025.
Si nous avons souhaité en faire un article, ce n’est pas pour faire état d’un « fait divers » mais bien pour porter à votre connaissance les circonstances du décès de Liliane Deteve, les évènements qui s’en sont suivis, la procédure judiciaire en cours et vous avertir du danger qu’il représente potentiellement pour vous-même ou vos proches. Vous comprendrez que le soutien que vous voudrez apporter à la famille endeuillée relève bien de la défense de l’usager du service public, de la Justice, de l’éthique au sens des valeurs morales de l’humanité.
Le chanteur Oliver a réalisé une chanson en mémoire de Liliane. Ici en vidéo
Nous nous sommes entretenus avec Me Nedjma Abdi et Rodolphe Deteve : ici en vidéo
Le Courrier Picard et France 3 ont couvert la manifestation.
Rodolphe a fait la lecture du courrier de soutien que lui a adressé Erik Loridan (en vidéo ici) et qui déplore les 50 000 morts en France chaque année causées par des erreurs médicales, la troisième cause de mortalité.
Dans cette affaire, il y a négligence de l’hôpital, mépris de la famille de la victime, négligence de la justice qui confine au déni de justice mais aussi le risque de laisser se reproduire ce qui sera qualifié soit d’accidents soit de meurtres et qui ne sont, peut-être, que la partie émergée d’une série.
Liliane Deteve est la maman de 8 enfants et la grand-mère de 30 petits-enfants et arrière-petits-enfants. Elle vit à Amiens, coule une dynamique retraite avec son mari Édouard et profite de ses petits-enfants. Elle est d’une nature joyeuse, active et optimiste et est en parfaite santé pour une personne âgée de 77 ans.
Dans la nuit du samedi 29 au dimanche 30 août 2020, elle fait une chute malencontreuse dans les escaliers qui menaient à sa chambre. Fort heureusement, cette chute intervient alors qu’elle montait ; elle ne dégringole donc pas les escaliers. Cependant elle souffre au niveau de son poignet et de son genou. Les pompiers se déplacent et décident d’amener Liliane aux urgences du CHU d’Amiens afin qu’elle soit prise en charge. Elle ressent des douleurs mais elle quitte sa maison avec le sourire.
Le dimanche, en début d’après-midi, deux de ses petits-enfants lui rendent visite à l’hôpital. Elle est alitée, sous perfusion et semble dans un état second. Ils pensent alors que ce sont les anti-douleurs qui la rendent un peu comateuse. Ils prennent une photo de leur mamie. Comme ils ne l’ont pas vue la veille, ils ne réalisent pas tout de suite qu’elle présente une plaie au niveau sur la tempe et que son état, par rapport à la veille, s’est fortement dégradé. De retour en famille, la mari de Liliane constate tout de suite cette plaie à la tempe et confirme à Rodolphe qu’elle ne provient pas de sa chute dans l’escalier.
Le lundi 31 août 2020 au matin, Rodolphe reçoit un appel de son père qui lui annonce la décès de sa maman. Rodolphe n’avait pas été informé de l’hospitalisation de sa mère et gronde son père de lui faire une blague de si mauvais goût. Il avait vu sa mère quelques jours auparavant, elle allait très bien. Mais il comprend rapidement au ton de la voix de son père que ce n’est pas une blague. Le choc est d’une violence inouïe, il est à son bureau, et frappe violemment son clavier.
Rodolphe contacte alors ses sœurs. L’un d’elles, Mickaella vit dans le Sud de la France. Elle était venue rendre visite à ses parents et venait de repartir chez elle. Elle prend immédiatement la décision de revenir et remonte la France en compagnie de sa sœur.
Le mardi 1er septembre, ils se rendent à l’hôpital et sont reçus par un interne qui leur explique que leur mère est décédée d’un arrêt cardio-respiratoire et s’est étoufée dans son vomi (des matières fécaloïdales remontées des intestins). Lorsque Rodolphe commence à lui poser des questions, il se rend compte que cet interne n’avait pas vu sa mère, ne l’avait pas auscultée, ne sait pas dans quel service elle était ni dans quelle chambre elle est décédée. L’interne va même tenter de quitter la pièce, alors que Rodolphe se fait plus insistant devant ses retranchements. L’interne leur explique qu’ils peuvent demander une autopsie, ce que les 3 enfants présents valident immédiatement. Ils demandent à se rendre dans la chambre où leur mère a versé son dernier souffle et sont conduits dans le service de traumatologie. Ils sont conduits dans une chambre qui n’est pas celle dans laquelle la fille et le neveu lui avaient rendu visite le dimanche. Lorsqu’ils questionnent les infirmières, les réponses sont évasives, erronées, alors même que le décès était intervenu la veille. Une infirmère dit à Rodolphe « une heure après le décès, on efface chaque dossier. » Rodolphe et ses sœurs doivent faire face à l’impensable : personne ne sait rien de leur mère, comme si elle n’avait jamais été dans ce service.
Dès leur sortie de l’hôpital, Rodolphe décide d’enquêter pour reprendre la chronologie des faits. Il va contacter les pompiers à plusieurs reprises. La capitaine de la brigade questionnera les pompiers qui ont assuré le transport. Impossible que leur mère ait été blessée durant le transport car elle était sanglée sur le brancard. Ils confirment qu’ils ont assuré le transport d’un blessé léger avec un traumatisme au genou et poignet qu’ils ont mis sous atèle.
Liliane est enterrée le 5 septembre. Quelques jours plus tard, Rodolphe décide d’envoyer un courrier en recommandé à l’hôpital afin d’obtenir des réponses sur ce qui s’est réellement passé. Ses deux sœurs en font autant ainsi que le médecin traitant de famille de Liliane. Chacun d’eux va recevoir un rapport mais dans aucun ne figureront les soins infirmiers. Ils le réclament mais ne le recevront pas. Le médecin traitant reçoit en revanche un document essentiel : le rapport toxicologique. Ce dernier indique que Liliane avait dans le corps du Tramadol à un niveau équivalent à 4 fois la dose toxique ou plus de 2 fois la dose mortelle. Ce dosage intervenant 3 jours après le décès, il pourrait être estimé que la dose injectée était encore plus importante. Il s’agit d’un analgésique puissant à base d’opioïdes. Les enfants sont sous le choc car leur mère s’était refusée à toute prise médicamenteuse et avait refusé de prendre du Doliprane mais pire encore le Tramadol lui était déconseillé car elle prenait du Levothyrox.
Devant le constat de ces rapports incohérents et incomplets, et compte tenu de ce rapport toxicologique mais aussi face au silence de l’hôpital, Rodolphe leur écrit de nouveau et menace de médiatiser l’affaire. Un rendez-vous est alors proposé pour le 16 decembre 2020 avec le médecin médiateur. Ce rendez-vous va être reporté en février 2021, pour raison de Covid. Le médecin médiateur les reçoit mais il n’a rien à leur dire ! Il a enquêté mais n’a rien trouvé !
Rodolphe envisage de porter plainte mais décide d’abord d’écrire au Procureur de la République. Là encore, aucune réponse. Il réitère son courrier mais en y ajoutant des menaces de médiatisation. Là, Rodolphe et son père sont convoqués en gendarmerie afin que leur plainte soit enregistrée. Ils s’y rendent sans avocat et n’auront donc pas de copie de leur dépôt de plainte. Le brigadier chef est à l’écoute et confirme ultérieurement à Rodolphe que le dossier est parti à Lille chez un expert. Quelques temps plus tard, alors que Rodolphe s’enquiert des suites données, le brigadier chef lui indique que le dossier lui a été retiré par le procureur car « trop lourd ».
Rodolphe décide d’écrire de nouveau au procureur et menace de médiatiser l’affaire avec le Courrier Picard avec qui il est en lien. Quelques jours plus tard, il est convoqué par la juge d’instruction nommée pour instruire l’affaire. Il lui remet les pièces qu’il considère comme des preuves.
Rodolphe, son père et ses sœurs ont été interrogés par la juge d’instruction. Ils leur a semblé que les questions ne cernaient pas vraiment le « problème ». Ils ne sont pas sentis entendus dans leur douleur et n’ont pas eu l’impression que leur mère, Liliane, était considérée comme victime.
Le neveu et la nièce de Rodolphe, ainsi que le médecin traitant ont été, quant à eux, auditionnés par la police.
Les demandes de Rodolphe pour obtenir le rapport de soins infirmiers restent sans réponse. Il fait une demande auprès du Commission de Conciliation et d’Indemnisation des victimes. Un mois avant le rendez-vous avec cet organisme, il reçoit en retour, les pièces qu’il avait adressées mais également ce fameux dossier infirmier (imprimé 6 mois après le décès de Liliane). Dans ce rapport, c’est le mauvais poignet qui est cité, le genou n’y figure pas et il est attesté que Liliane serait venue se faire soigner pour des escarres après son décès !
Rodolphe avait sollicité une avocate mais cette dernière se fait de plus en plus fuyante et fini même par ne plus répondre à ses demandes. C’est par l’intermédiaire de sa sœur, qu’il va choisir Me Nedjma Abdi. Elle prend le dossier en main mais se retrouve, elle aussi, devant un mur de silence. Rodolphe manifeste devant le Palais de Justice. La doyenne des juges vient à sa rencontre cependant, elle ne répondra jamais à ses courriers qu’elle a pourtant reçus tout comme le nouveau procureur de la République, le ministre de la Justice, le ministre de la Santé. Il va même jusqu’à écrire à l’Élysée.
Les mois passent, les années... Rodolphe, son père et ses sœurs restent sans réponse. Plus ils épluchent les pièces en leur possession, plus ils font des recherches auprès de professionnels de la santé, plus les hypothèses se profilent et les questions se multiplient :
-Si elle était arrivée à l’hôpital avec une suspicion de traumatisme crânien, elle aurait été prise en charge immédiatement, ce qui n’a pas été le cas.
- À 3h51 du matin, elle a été emmenée aux toilettes. C’est ensuite que ses douleurs diminuent. Cela serait-il dû à la perfusion de Tramadol ?
- Le lendemain, elle est sous perfusion (tubulure indiquant la perfusion d’autres produits) contrairement à ce que dit le rapport (photo à l’appui).
- Le dossier médical indique une autorisation à prendre du Paracétamol, mais cela aurait du se voir dans la rapport toxicologique (acétone).
- La radio du genou fournie n’est pas celle de Liliane puisqu’elle avait une prothèse.
- Une opération du poignet est notée comme prévue pour la lundi matin alors que son genou était en plus mauvais état mais surtout qu’elle n’a été auscultée par personne.
- le rapport de soins infirmiers fait état de soins apportés plusieurs semaines après son décès !
- les vêtements de Liliane que la famille a récupérés n’étaient pas tâchés de sang ce qui aurait du être le cas dans l’hypothèse d’une blessure profonde sur la partie temporale de son crâne causée durant le transport.
- le médecin traitant confirme que Liliane n’avait jamais pris de Tramadol de sa vie et que cette substance lui était déconseillée
- Un interne faisait une thèse sur les traumas crâniens avec hématome sous-dural.
- Le Tramadol a les mêmes effets qu’un hématome sous-dural.
- le rapport d'autopsie ne fait pas état d'un hématome sous-dural mais est-il complet ?
Quatre ans et demi après ce qu’il convient d’appeler un homicide, volontaire compte tenu de la dose de Tramadol qui va bien au-delà d’une erreur d’administration, aucune réponse de la Justice. Les demandes de l’avocate ont été acceptées par la juge d’instruction. Y-a-t-il eu enquête ? Y a-t-il eu d’autres auditions ? Y a-t-il des avancées dans l’affaire ?
La famille devra-t-elle porter plainte contre le gouvernement ? l’Élysée ? les procureurs ? la juge d’instruction ? le ministre de la Santé ?
Liliane était une épouse qui laisse un mari désemparé, des enfants qui ruminent chaque jour les questions auxquelles ils n’ont pas de réponse et subissent un silence indigne de la part de l’hôpital et de la justice. Les petits-enfants sont privés de la joie de vivre et de l’amour de leur grand-mère. La famille ne peut faire son deuil et chacun attend justice et vérité.
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Rodolphe est contacté par d’autres familles (
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