Voici une émission plus qu’intéressante sur le sujet de la GPA. La table ronde réunit la juriste et maître de conférence Aude Mirkovic, le pédopsychiatre Frédéric Goaréguer et la psychologue et psychothérapeute Anne Schaub-Thomas Les réflexions se font donc à travers un prisme de compétences différentes qui permettent un regard élargi sur la GPA (gestation pour autrui).
D’un point de vue juridique la GPA est interdite en France, le code pénal sanctionne non seulement les acteurs mais aussi les commanditaires. La législation l’autorise dans d’autres pays où elle est donc réglementée (Grèce, Ukraine, certains États des États-Unis, …) tandis qu’elle est inexistante dans certains pays comme la Belgique.
Les principes généraux du droit suffisent à eux seuls à invalider la GPA qui est une atteinte à la dignité humaine, pour la femme et pour l’enfant, et au principe d’indisponibilité du corps humain.
L’existence même d’un contrat de GPA équivaut à la notion juridique de l’esclavage au sens où un humain est considéré comme une propriété.
Par ailleurs, il y a atteinte à la filiation de l’enfant qui se trouve « ré-organisée » par ce contrat. La séparation réalisée à la naissance est un risque élevé de choc traumatique qui ne correspond pas à l’intérêt de l’enfant comme pourrait l’être un transfert dans un service de soins quand il y a risque pour sa survie.
Même lorsque c’est interdit, l’État est mis devant le fait accompli.
Le 3 mars 2023, Aude Mirkovic participait au séminaire à Casablanca qui recevait 75 pays. Des centaines de juristes, médecins, psychologues ont dénoncé cette « résignation » mondiale à accepter cette pratique et se sont associés pour rédiger une Convention internationale pour l’abolition universelle de la GPA.
Même s’il n’y avait pas de préjudice pour les enfants, on méconnaît le droit de l’enfant à connaître ses parents et être élevé par eux. Cette disposition fait partie de la Convention internationale des Droits de l’Enfant qui a été ratifiée par 197 États et adoptée par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 20 novembre 1989 (sauf les États-Unis).
Aude Mirkovic souhaite préciser que les situations d’abandon que la loi régit comme l’accouchement sous X où les adoptions correspondent à des situations particulières (de crise, précise-t-elle) qui visent à protéger l’enfant et la mère d’un danger, comme un risque d’accouchement seule dans de mauvaises conditions sanitaires ou même à éviter un infanticide. Elles sont donc bien conformes au droit de l’enfant. Ces situations sont prises pour exemple et modèle afin de justifier la GPA, mais la GPA prive volontairement l’enfant de ses droits.
Frédéric Goaréguer ajoute que lors d’une adoption, on racontera ensuite à l’enfant que, d’une part, sa mère biologique a choisi de mener la grossesse à son terme, qu’il a donc été désiré, mais aussi le pourquoi du choix qui l’a amenée à le confier pour lui offrir une meilleure vie.
Aude Mirkovic rappelle que les lois servent à pallier aux abus. On peut entendre le désir d’enfant et la souffrance inhérente à l’absence de maternité/paternité mais souffrance et désir n’autorisent pas tout et ne justifient pas tous ces dégâts sur les enfants. Les enfants n’ont pas à s’adapter aux désirs des adultes.
L’intérêt supérieur de l’enfant et l’exploitation de la femme sont indissociables de la GPA. Quel que soit le scénario, l’enfant subit une perte et une injustice.
Les premières GPA datent des années 80 mais il n’y a eu que très peu d’études réalisées qui sont, par ailleurs, réputées « biaisées ». Les quelques éléments qui en ressortent ne sont pas encourageants. Les repères de la construction des enfants sont effacés et c’est bien plus qu’un abandon. S’il peut y avoir résilience de la part de l’enfant, il y a refoulement et ces enfants présentent souvent des troubles des comportements sociaux.
Dans une GPA, l'affection est particulièrement remise en cause. La « mère porteuse » ne doit pas s’investir. Il lui est donc demandé de ne pas aimer l’enfant qu’elle porte. Comment cela peut-il être même envisagé ? Il y a un grand nombre de problèmes durant la grossesse et de nombreuses dépressions ensuite mais aussi des mères porteuses qui renoncent à l’abandon. Quelle est la capacité du commanditaire à aimer un enfant dès lors qu’il émet l’injonction à la mère porteuse de ne pas s’y attacher ? Les profils des parents d’intention qui exigent cela de la mère porteuse ne témoignent aucune empathie envers elle ce qui alerte sur une tendance perverse.
Occulter l’Amour pendant 9 mois c’est occulter l’âme, la sensibilité profonde et blesser la mémoire profonde. Ce faisant, on coupe l’être humain du réel, on le dénature. On retrouve beaucoup d’enfants « faux self ». Ils se conforment par peur d’un autre rejet et peuvent dissimuler leur état déstructuré et psychotique.
La vie relationnelle de l’enfant commence pendant la grossesse. La mère et l’enfant qu’elle porte sont liés par un attachement fondamental. Le nouveau-né aura besoin de retrouver à l’extérieur ce qu’il avait à l’intérieur. Ce n’est ni plus ni moins que son sentiment d’existence qui est et qui va au-delà de la blessure d’abandon et de la cassure de la filiation. Les séparer revient à un « éclatement » de la maternité dont l’enfant ne sortira jamais indemne.
Enfin, les stimulations ovariennes ne sont pas des actes bénins qui peuvent avoir des conséquences plus tard comme le syndrome de sur-stimulation ovarienne. Les enfants sont, eux, plus sujets à maladies.
Pour Frédéric Goréguer, qui a étudié et pratiqué des thérapies systémiques et familiales, il s’agit d’une dérive sociétale, une déshumanisation globale, une « bureaucratisation ». La société dénature, s’éloigne de la nature, puis agit « contre-nature ». On joue aux apprentis sorciers !
Anne Schaub-Thomas se questionne concernant les embryons « restant » de ces fécondations in vitro, sur le choix fait par le laboratoire, et non par la nature, du spermatozoïde qui pénétrera l’ovule. « On extrait le vivant du vivant ! ». Elle rappelle les symptômes très particuliers rencontrés chez ses enfants comme le syndrome du survivant avec toutes les caractéristiques d’une identité morcelée.
Frédéric Goaréguer évoque l’épigénétique. Ainsi, une mère porteuse qui se coupe affectivement de l'enfant qu'elle porte aura des conséquences sur les gènes de celui-ci en les activant ou désactivant. Voir la conférence de Christian Vélot et les recherches sur les gènes d'enfants abusés versus ceux d'enfants choyés. En cliquant sur l'image ci-dessous, vous visualiserez l'extrait de la conférence (4min).
Frédéric Goaréguer souligne aussi l’inégalité des familles à accéder à la GPA, compte tenu de son coût financier.
On oublie souvent la place du père pour l’enfant et le possible rejet de la conjointe qui n’a pas porté l’enfant dans un couple homosexuel. Tout ceci doit donner lieu à des sérieuses études et des analyses permettant de quantifier les problèmes.
La société ne devrait-elle pas gérer le psychologique des problèmes d’infertilité ? Il y a des thérapies (transgénérationnelles par exemple) qui peuvent aider sur des blocages inconscients. L’adoption permet de répondre au désir d’enfant tout en « réparant » un enfant. On peut aussi imaginer permuter une maternité/paternité en autre chose.
La société refuse tous les manques, témoigne d’une incapacité à la frustration, au deuil ou à la souffrance. Il faut une satisfaction immédiate et c’est bien ce qui peut amener aux addictions. Ce déni des limites ne va pas dans le sens de la santé.
Pour Aude, Anne et Frédéric, la GPA ne peut être éthique. Anne cite Frédéric Chiche :
« Le terme de GPA éthique est un oxymore* marketing ». Frédéric Chiche gynécologue-obstétricien.
(*) association de mots contradictoires comme « douce violence ».
« C’est une atteinte profonde du tout-petit », confirme-t-elle.
Ce ne sont pas les modalités de la GPA qui posent problème mais le principe même qui n’est ni légal ni éthique, que ce soit pour la mère porteuse ou l’enfant. « Pourrait-on envisager de réglementer le trafic humain pour le rendre éthique ? », souligne Aude.
Le meurtre est sanctionné par le code pénal, ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas de meurtres mais la sanction en limite le nombre.
C’est la question d’Isabelle, animatrice, en fin d’émission.
Frédéric et Anne, tous deux praticiens, tiennent à expliquer qu’ils distinguent les personnes des actes et reçoivent absolument tout le monde sans jugement. Il peut aussi s’agir de prévention, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a pas de « symptômes » apparents.
« Quand on cherche à comprendre, on ne juge pas, notre accompagnement est humble. » Frédéric Goaréguer.
« Pour une société plus juste, les juristes doivent agir afin d’éviter ces cas, nous faisons avec les psys, œuvre commune. », souligne Aude.
Anne souligne également que des actions de luttes sont nécessaires et requises pour l’humanité.
Nous devrions réfléchir avant d’agir, que ce soit en matière de virus, de chimères, d’armes… Il devrait y avoir un consensus éthique international.
Nos enfants sont l’avenir, nous leur devons une attention particulière et une protection importante. C’est aussi ce que nous murmure la nature et le bon sens.
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