Nous sommes aujourd'hui le 1er février 2024, et nous célébrons donc le 80e anniversaire de la naissance du Professeur Jean-Guy Degos, né le 1er février 1944 à Bordeaux, et parti trop tôt le 7 juin 2017, à la suite d'une embolie pulmonaire. C'est donc l'occasion de nous pencher brièvement sur la vie et l'œuvre de cet ancien professeur de comptabilité et de finance, expert-comptable et commissaire aux comptes ; ancien vice-président, puis président du jury du diplôme d'expertise comptable (DEC).
Jean-Guy Degos naquit le 1er février 1944 à Bordeaux, d'un père chef cuisinier qui aurait voulu qu'il devînt « soit chef cuisinier, soit dessinateur industriel, soit frigoriste » [1]. Mais, bien qu'il eût « de grosses lacunes en mathématiques, ne connaissant ni l'algèbre, ni l'étude des fonctions d'aucun degré (...) il avait un avantage qu'il a gardé toute sa vie : une qualité de l'expression française à la fois correcte et nuancée » [1]. C'est cela qui lui a permis de bénéficier d'une École qu'on pouvait alors réellement qualifier d'« ascenseur social », puisqu'elle permettait à des élèves méritants mais issus des couches populaires de s'élever au-dessus de sa condition familiale. Dans la famille Degos, on était généralement « agriculteur ou militaire » [1], comme pourraient en témoigner les archives familiales remontant à 1650. Jean-Guy Degos aura donc été le premier intellectuel de la famille, au sens noble du terme, dérivé du latin intelligo : je discerne, je démêle, je m'aperçois, je remarque, je me rends compte, je reconnais ; je comprends, j'entends, je saisis ; j'apprécie, je sens.
Ce qui frappe dans l'œuvre de Jean-Guy Degos, c'est son éclectisme. Il a soutenu 2 mémoires et 3 thèses de doctorat, tout en menant une carrière de professeur d'économie et gestion (il avait été admis à l'agrégation des techniques économiques de gestion en 1971), qui l'a conduit à créer la section de BTS comptabilité et gestion au Lycée Victor Louis de Talence, en Gironde. Au terme d'un parcours jalonné d'obstacles, il a pu rejoindre l'Université en tant que maître assistant, maître de conférences, puis professeur (émérite) des universités. Il a toujours été opposé au nivellement par le bas, et aux promotions par liste d'aptitude : une promotion par liste d'aptitude, c'est une place de moins aux concours. Et c'est pourquoi il avait été assez meurtri d'être nommé professeur des universités « au 49.3 », après avoir passé l'agrégation de l'enseignement supérieur [2]. Ses deux premières langues vivantes ayant été l'espagnol et le russe, il a appris l'anglais sur le tard ; et son manque de prédispositions pour les mathématiques ne l'a pas empêché de mobiliser les théories les plus en vue à son époque : méthodes matricielles, intelligence artificielle et systèmes experts, fractales, théorie des catastrophes, réseaux neuronaux. On trouvera ci-dessous un nuage [3] de mots qui reflète ce qu'ont pu être ses nombreuses préoccupations...
Du point de vue du rayonnement qu'il a eu sur les cinq continents, on pourrait le comparer à Jacques Rouvier, le célèbre professeur de piano au Conservatoire national supérieur de musique et danse de Paris, qui a eu pour élèves, notamment : Hélène Grimaud, Frank Braley, Claire-Marie Le Guay, Claire Désert, etc.. C'est-à-dire : compétent, mais bon vivant, ou encore : « in et sérieux », comme il avait été étiqueté par un test de personnalité non officiel proposé par un titre de la presse grand public. Béatrice Touchelay, alors présidente de l'association pour l'histoire du management des organisations (AHMO) témoignait dans la rubrique nécrologique lui était consacré : « Jean-Guy Degos a marqué plusieurs générations en France et à l’étranger. Curieux mélange d’attachement à certaines traditions (il n’était pas hostile au port de la toge pour les soutenances) et d’attention à la jeunesse et au changement, il portait aussi un parfum de convivialité qui nous manquera. » [4] Grand amateur de rugby et de whisky écossais, Jean-Guy Degos se serait probablement bien entendu avec... Charles Gave. D'ailleurs, détail amusant : son premier mémoire s'intitulait Le revenu permanent dans le cadre de l'entreprise (voir [5]) ; le « revenu permanent » étant une théorie due à Milton-Friedmann...
[1] Théorie comptable et sciences économiques du XVe au XXIe siècle, Mélanges en l’honneur du Professeur Jean-Guy Degos, coordonné par Stéphane Trébucq et Yves Levant, L’Harmattan (2018) ; plus spécifiquement les pages 47 à 54 : Itinéraire d'un mouton noir qui voulait être un loup blanc.
[2] C'est là une spécificité de certaines disciplines comme les sciences de gestion ou la médecine : il y a une agrégation du supérieur, en plus de celle du secondaire permettant d'obtenir un poste dans l'enseignement secondaire principalement, qui permet d'obtenir le statut de Professeur des universités.
[3] Réalisé par Martine Hlady-Rispal, professeur à l'Université de Limoges, dans sa contribution Les nuages au-dessus des cartes du territoire ([1], pages 63-65).
[4] Voir : Disparition de Jean-Guy Degos, par Béatrice Touchelay, 10 juin 2017.
[5] Jean-Guy Degos, Le revenu permanent dans le cadre de l'entreprise, mémoire pour le doctorat de spécialité en économie et administration des entreprises, soutenu le 24 novembre 1969, Université Bordeaux I, Institut d'administration des entreprises (IAE), Faculté des sciences économiques.