23 avril 2023
Les chroniques du Ratiocineur

Les chroniques linguistiques dominicales du Ratiocineur, épisode 13

De grâce, débarrassez-nous de ce « narratif » (sic)

On entend, çà et là, de plus en plus de personnalités se gargariser du mot « narratif » employé fautivement comme un nom commun. Parmi ces personnalités, nous citerons, par ordre alphabétique :

- François Asselineau ;

- André Bercoff ;

- Marie-Estelle Dupont ;

- Virginie Joron ;

- Éric Morillot ;

- Charles Sannat ;

et la liste n’est, bien sûr, pas exhaustive.

Il n’est pas forcément utile de sourcer, pour chacune de ces personnes, l’emploi fautif  (et qui plus est : récurrent) de ce mot, puisque nous cherchons à le faire oublier.

Mais la palme revient sans aucune doute à François Asselineau, qui dans un article daté du 3 septembre 2020, intitulé L’affaire Navalny va-t-elle révéler ses secrets ? Loukachenko détient-il vraiment la preuve que Merkel aurait sciemment menti ?.

 

Les chroniques linguistiques dominicales du Ratiocineur, épisode 13

François Asselineau écrit donc : « le ‘‘narratif’’ comme on le dit maintenant ». Mais qui est donc « on » ? Non seulement, « on » n’est probablement pas une référence en matière linguistique, mais nous pouvons conjecturer que, comme cela était dit dans les chaumières au XXe siècle : « on, c’est un con ».

 

En général, il est clair que ce n’est donc pas une bonne idée de se prévaloir de ce que « on » en pense pour relayer un mot.

Nous proposons donc aux lecteurs d’aller compulser une référence un peu plus raisonnable : le Dictionnaire de l’Académie française, dans sa 9e édition en vigueur actuellement. Voici une copie d’écran du résultat obtenu après un début de requête sur le mot « narratif » :

Les chroniques linguistiques dominicales du Ratiocineur, épisode 13

On constate donc tout d’abord que le mot « narratif » n’existe pas en temps que nom commun, mais seulement en temps qu’adjectif qualificatif. On pourra donc légitimement dire : « une trame narrative », mais pas « le narratif ».

Comme toujours dans ce pays, mentalement colonisé, souffrant d’anglo-américanomanie aggravée qu’est la France, le mot « narratif » est une importation fautive dans le lexique français de l’anglais « narrative » qui, là, effectivement, est un nom commun, on en atteste l'entrée correspondant dans le dictionnaire WordReference :

Les chroniques linguistiques dominicales du Ratiocineur, épisode 13

Retournons sur le site de l’Académie française, à la rubrique « Dire, ne pas dire » :

 

Les chroniques linguistiques dominicales du Ratiocineur, épisode 13

En conclusion, si Mmes Dupont et JoronMM. Asselineau, Bercoff, Morillot, Sannat et tant d’autres ont apprécié ce billet de réinformation, et s’il est exact, comme l’écrit Spinoza, que « Les hommes libres seuls sont très reconnaissants les uns à l'égard des autres. » (Éthique, Proposition XL L III), nous leur adressons cette supplique : de grâce, débarrassez-nous de ce « narratif » (sic), et suivez l’exemple de Stanislas Berton, qui emploie, à juste titre, le mot de « récit », par exemple dans cet entretien réalisé par Xavier Azalbert (qu’il faudrait probablement ajouter à la liste des « coupables ») pour France Soir.

Mais pour revenir à l’extrait de l’article de M. Asselineau, s’agissant de la « version occidentale des évènements » (qui prend un accent aigu et un accent grave, après mise en cohérence de son orthographe avec celle du mot « avènement » lors de la réforme de l'orthographe de 1990), on pourrait également parler de fable, de sornette, de carabistouille, ou de calembredaine… Bref, le français est une langue riche. Cultivons-le au lieu de le mutiler !


Ratiocineur

Recevez nos articles automatiquement

Tous droits réservés (R) 2023-2024